L‘aurore se levait à peine sur le Beauvaisis et les citoyens ordinaires dormaient paisiblement dans leurs lits douillets. Nul ne se doutait de ce qui se tramait en coulisse : Les TEB, eux, ne se
souciaient guère du monde de Morphée et, levés d’un pied ferme, ils affûtaient déjà leurs raquettes dès le petit matin, en quête de nouvelles victimes tennistiques à achever.
Le rendez-vous avait été fixé à 7h30 devant leur camp de base de Goincourt par le bon président Sutra dont la C5 avait été transformée en car officiel de l’équipe des TEB pour l’occasion. Afin de
permettre une meilleure immersion des joueurs dans l’adversité des rencontres à venir, le président avait procédé à un ensemble de petites modifications du car officiel de l’équipe, toutes
parfaitement justifiées : réduction de la qualité des freins (« pour toujours être à fond ! »), anéantissement de la climatisation (« la chaleur, y’a que ça de vrai ! »), compteur de vitesse
bloqué sur 110 (« 110, c’est mon chiffre porte-bonheur ! »), porte côté passager qui ne s’ouvre pas de l’intérieur (« c’est pour éviter que Miani ne s’échappe si une femme ou une bouteille
de rhum passe sur le trottoir ! »). N’avais-je pas raison : toutes parfaitement justifiées par le président. De plus, un catalogue de coiffure avait été mis à la disposition de Florian C. sur la
banquette arrière afin qu’il divague sur son look futur pendant le périple.
Nul doute que chaque joueur des TEB était à l’heure et pressé de partir. Tous,sauf Yannick M. en fait, qui avait eu un petit problème en chemin, ce qui l’avait
retardé d’une quinzaine de minutes. Une histoire sordide (et gênante !) de dragons, joints de culasse, porte-jarretelles, et autres canards de l’espace, qui valait bien un bon quart d?heure de
retard, évidemment pardonné par l’ensemble de l’équipe.
Le trajet jusque Amiens se fit sans encombre et dans la bonne humeur et la convivialité. Les TEB, nouvellement renommés « les teub? » par les supportrices en
délire, se rappelèrent mutuellement les bons souvenirs des grands exploits de leur glorieux passé et écoutèrent attentivement les calculs savants du président, promu chauffeur pour l’occasion,
qui expliquaient par quels procédés l’équipe pouvaient accéder à la division supérieure et aux rencontres éliminatoires. Alors que la C5 mangeait les kilomètres et franchissait le panneau
signalant que l’équipe entrait dans la Somme, Florian C., autochtone samarien, voyait son sourire s’agrandir au fur et à mesure des minutes qui s’écoulaient et qui le rapprochaient de sa terre
natale. Après avoir passé le péage de Dury, gracieusement payé par le président, les souvenirs de sa jeunesse étudiante à gambader dans les campagnes amiénoises et bovoises, ainsi que
l’arrachement de sa patrie pour l’amour de la chimie, se mélangèrent en un écran de fumée dans l'esprit de Florian C. qui essuya alors une larme nostalgique discrète dans le fond de son
cœur.
Les deux Yannick à la manœuvre, bien trop concentrés sur les indications GPS, ne virent ni les panneaux indiquant que le club de tennis hôte était à trois
mètres sur la droite, ni les hangars abritant les courts de ce dernier. Fort heureusement, après une intervention de l’indigène Florian C., les TEB2 arrivèrent à destination. En entrant dans le
club house, chacun fut impressionné par la qualité des infrastructures de l’Amiens AC Tennis, un complexe qui diffère légèrement de celui de Goincourt, camp de base des TEB. Cependant, loin
d’être complètement ébahi par les trophées sur les armoires vitrées, les terrasses avec barbecue, et les fauteuils en cuir qui trônaient tout autour de lui, sans parler des jeunes serveuses au
physique avantageux qui avaient déjà tapé dans l’oeil de Yannick M., - le président repris les bonnes habitudes en s’installant immédiatement au bar. Commandant le doux nectar qui coule dans les
veines de tout bon membre de l’éducation nationale, un café, Yannick S. prenait déjà possession des lieux.
A la demande des adversaires de Procter, les rencontres débutèrent avec les joueurs 1 qui entrèrent en piste immédiatement. Cette demande inopinée, bouleversa
légèrement Antoine C., joueur 1 des TEB, qui avait bien déjeuné avant le voyage et venait d’engloutir un pitch. La température et la météo étant clémentes, les joueurs se dirigèrent vers les
courts en terre battue extérieurs. « Ça va être agréable » lança le premier adversaire des TEB en parlant de la douce température et du soleil qui montait peu à peu dans le ciel bleu. Le joueur 1
de Procter était un joueur confirmé classé 30, ex 15 quelque chose. Il avait une bonne technique et beaucoup de régularité dans ses coups. Mais cela n’impressionna guère Antoine C. qui joua
l’offensive et l’agressivité d’entrée de jeux, dès les premières balles. Les premiers jeux furent tendus et difficiles, chacun des deux joueurs se rendant coup sur coup. La lutte était âpre et le
joueur 1 de Procter glissa à deux reprises et chuta sur la terre battue encore mouillée des jours pluvieux précédents. À 2-2 Antoine C. semblait flancher physiquement, car le match n’était pas
simple du tout. De plus, sa névralgie au bras droit se réveillait peu à peu sous la puissance des échanges. C’était une partie d’échecs sur fond de semi-marathon dans le sable rouge des terrains
amiénois que se livraient les deux joueurs 1. Le physique déjà vacillant, Antoine C. n’en était que plus motivé. C’est alors que l’inexplicable se produisit. Alors qu’il y avait 2-2 et qu’on
jouait le cinquième jeu, le joueur de Procter lâcha complètement le match. Tous ses coups sortaient, il ne se déplaçait plus, ni sur les côtés ni vers l’avant du terrain. Son visage ne laissait
pourtant rien transparaître. Était-il blessé ? La fatigue se faisait-elle ressentir ? Se sentait-il agressé par l’enthousiasme d’Antoine C. et les cris d’encouragement du président Sutra ? Nul ne
le su, mais pour sûr, tous virent qu’il n’était plus le même joueur à ce moment là de la partie. Le match fut alors très rapide, se concluant en 50 minutes sur le score de 6/2 6/1 pour notre
joueur 1 des TEB qui ne se fit pas prier pour achever son adversaire sans la moindre pitié. Les TEB2 menaient alors 1-0 !
Pendant ce temps, sur le court adjacent, le joueur 2 Florian C. entamait lui aussi sa rencontre face à un adversaire plus âgé et expérimenté. Florian C. était
techniquement largement au-dessus de son adversaire, un 30/2 tout comme lui, mais celui-ci malgré ses nombreuses années d’écart semblait pouvoir renvoyer toutes les balles ! Les échanges étaient
longs et Florian C. devait construire le jeu, accélérer et prendre des risques face à un adversaire qui ne faisait que renvoyer des balles molles. Prendre des risques, c’est commettre des
erreurs, et Florian C. en commis plus d’une malheureusement. Il remporta tout de même le premier set 7-5, non sans difficulté. Le jeu de l’adversaire était déroutant, car en plus de « jouer à la
ba-balle », il se permettait de commenter chaque point, la météo, les boissons ou la vie en général entre chaque échange. Une vile tactique qui déconcertait notre joueur 2 des TEB, surtout après
le choc émotionnel intense qu’il venait de subir en revenant sur les terres de sa jeunesse. Paralysé par la situation, par l’enjeu, par les commentaires déroutants de son adversaire, Florian C.
perdit peu à peu pied et la qualité de son tennis s’en fit ressentir. La chaleur montait, dans l’air comme sur le court : le soleil frappait sur le terrain et le physique des joueurs était
affecté car les échanges étaient longs et le besoin de concentration fort. Le président Sutra sur le banc était tendu, ne cessant d’encourager son poulain. Il du même intervenir alors qu’une
altercation avait débuté entre les deux adversaires. Lassé de voir la balle sans cesse revenir de la raquette de son adversaire, Florian C. décida d’utiliser sa spéciale. Grâce à un toucher
magique et une technique ancestrale nord-coréenne, il décocha un amorti qui rebondit derrière le filet adverse et, sans que le joueur de Procter ne touche la balle, revint en arrière grâce à
l’effet rétro sur le court de Florian C. N’ayant jamais vu cela de sa vie, le joueur de Procter réclamait le point pour lui, ce que refusait catégoriquement notre jeune agrégé. Le président Sutra
du alors utiliser tout son sens diplomatique pour contacter les instances arbitrales du tennis corpo et faire entendre raison à l’adversaire. Malgré cette fulgurance, Florian C. perdit le
deuxième set 6/2.
Pendant ce temps, calmement mais sûrement, Yannick M., joueur 3, démarrait son match sur le court laissé libre par Antoine C. face à un joueur occasionnel,
lui-aussi d’une cinquantaine d’années. Les yeux encore un peu embrumés par le sommeil, Yannick M. eut tout d’abord un peu de mal à trouver son tennis. Les jambes étaient un peu lourdes, à cause
de l’activité physique de la semaine écoulée. Mais rapidement, l’envie de défendre la bannière des TEB reprit le dessus sur tout le reste. Largement encouragé et soutenu par les président Sutra,
le joueur 3 des TEB2 ne fit qu’une bouchée de celui de l’équipe Procter, sans même forcer son tennis. 6/1 6/2 fut le score d’une rencontre non moins épique, dont les points gagnants furent
largement applaudis par les spectateurs ébahis de voir pour la première fois ce natif de Auch fouler leur terre battue. Quant aux points complètement ratés, les balles dévissées dans les cyprès,
les volées aplaties dans le filet, les doubles fautes au service, ou les horribles, mais non moins artistiques - levers de jambes lors des revers à une main furent largement et chaudement
applaudis par Antoine C., partisan de la moindre critique envers Yannick M., amicalement bien sûr.
Et alors que les TEB2 menaient donc 2-0 grâce aux simples remportés par les joueurs 1 & 3, Florian C. se débattaient toujours face au fourbe joueur 2 de
Procter. Concentré seulement sur son tennis, et non plus sur le score ni sur les commentaires désobligeants de son adversaire, Florian C. menait 4-0 haut la main dans le troisième set. Conscient
de son émotivité et de son caractère sanguin en match, le président avait décidé de ne prendre part au double que si l’équipe menait 3-0 avant celui-ci et que le double était alors sans enjeu.
Florian C. menant 4-0 dans le troisième set, le président sortit sa raquette de son étui et commença son échauffement sur le court adjacent. Mais peu à peu, la sournoiserie reprit le dessus sur
Florian C. qui marqua le coup physiquement et mentalement alors qu’on approchait des deux heures et demi de match. Il se fit rattraper dans le troisième set qu’il tenait pourtant, les deux
joueurs se retrouvant rapidement à un score de 5 jeux partout. Malheureusement, l’histoire ne fut pas belle pour Florian C. et les TEB qui virent leur joueur 2 s’incliner de justesse sur le score
de 7-5 dans le troisième set. L’expérience l’avait donc emporté sur la technique, nous rappelant à tous que le tennis se joue aussi beaucoup dans la tête. Fatigué et amer après trois heures de
match, Florian C. s’assit sur le banc pour regarder le double de Yannick M. et Antoine C., le président ayant préféré laisser la place à cette paire là. Plus tard dans les couloirs du club house,
on entendit Florian C. évoquer une histoire de parpaing que seuls les plus érudits comprendront.
Antoine C. était impatient d’en découdre et de venger son ami, partenaire et collègue lors de ce double. Bien aidé par le talentueux Yannick M., la paire de
prof de langues de Langevin ne fit qu’une bouchée des deux joueurs de Procter. Score sans appel 6/1 6/2. Antoine C. s’avoua néanmoins déçu de ne pas avoir réussi à gagner un set par 6/0, cela à
cause d’un manque de concentration.
Finalement, les TEB2 s’imposèrent 3-1 sur les terrains amiénois de Procter et avant de repartir dans la SutraMobile vers de nouveaux horizons, ils burent tout
de même un verre de l’amitié sur la terrasse de l’Amiens AC Tennis sous un soleil tout aussi radieux que les bouilles de nos champions.
Écrire commentaire
Yannick (samedi, 04 juin 2016 17:06)
Encore merci pour cet article antoine !
Jérôme (samedi, 04 juin 2016 17:30)
Bravo à l équipe !!! Très content pour vous et continuez comme ça.
Antoine (dimanche, 05 juin 2016 10:02)
Super rencontre, supers souvenirs ! Merci à Yannick pour nous avoir amené à ses frais et nous avoir accompagné dans ces matchs!
Go go go TEB2!
le sudiste (lundi, 06 juin 2016 22:07)
C'est trop long comme commentaire, je n'ai pas le temps de tout lire!
A l'époque de notre président, nous n'avions pas de plume aussi affûtée. Bravo pour les victoires, la montée est pour 2016.
@ plus. Gilou